LA SYMÉTRIE ET L'ANTITHÈSE DANS LE THÉÂTRE TRAGIQUE D'ISAAC DE BENSERADE (4)
b) Lucile et Agrippe, entre logique et pathétique
Il y a un autre couple symétrique qui se manifeste. C’est celui d’Antoine
et de son ami Lucile et puis celui de César et de son général Agrippe. Nous constatons
le même paradigme, subtilement modifié.
Le principe de base est celui d’une opposition. Mais le langage utilisé
par Agrippe et Lucile diffère en grande partie de celui utilisé par Éros ou
Épaphrodite. On y observe une plus grande finesse dans l’expression ce qui est
tout à fait logique puisqu’ils appartiennent à deux classes sociales
différentes.
Chez Lucile et Agrippe, qui viennent d’un milieu plus distingué, les
ripostes sont mieux travaillés et par là même plus susceptibles d’influencer le
locuteur, notamment de la part d’Agrippe. En ce qui concerne les répliques de
Lucile, on y voit un ton pathétique prononcé. Le dialogue répond aux lois de la
rhétorique et le rend plus ferme, plus ingénieux. Les preuves logiques abondent
du côté d’Agrippe et les preuves pathétiques de la part de Lucile ce qui permet
d’accentuer à nouveau l’état de tremblement ressenti par les personnages
s’approchant de plus en plus rapidement du précipice.
Tout de suite au début de la pièce, nous assistons à un dialogue entre
Antoine et Lucile. C’est un faux dialogue puisque les répliques de Lucile sont
courtes et ne servent qu’à inciter Antoine à la conversation. De plus il s’agit
d’une stichomythie qui donne déjà un aperçu de la façon dont les choses vont se
dérouler. Par son rythme interrompu et rapide elle suggère que le malheur est
proche.
Lucile se présente comme la voix de la raison pour Antoine. Sauf que ce
dernier ne l’entend pas. Lucile essaye de lui ouvrir les yeux sur ses amours,
ses devoirs et son propre moi.
Antoine reste aveugle, non pas par choix mais par ignorance et par faiblesse.
N’oublions pas qu’au début de la pièce Antoine est un personnage sur le chemin
de l’évolution. Il n’est pas encore fait, il est en devenir. Son comportement
infantile qui le pousse à chercher et à trouver la responsabilité de ses échecs
dans chacun d’autre sauf lui-même, l’emprisonne dans un état d’esprit immature
et faible, par conséquent il se trouve dépossédé de ses moyens et complètement
désarmé. D’abord il accuse Cléopâtre de lui être infidèle, de l’avoir trahi, d’être
changeante et inconstante. Lucile lui répond :
Si depuis qu’à ses
yeux votre âme est asservie
Tous vos faits ont
terni l’honneur de votre vie,
Si votre sort changea
quand son œil vous surprit,
Accusez son visage,
et non pas son esprit,
Quand le subtil appas
d’une beauté nous blesse
Nous ne sommes
vaincus que par notre faiblesse :
Chassez de votre
esprit ces injustes soupçons,
Le sort vous persécute
en assez de façons ;
[…]
Lucile, à l’instar de Briséide,
dans La mort d’Achille, tend un
miroir à Antoine et lui montre le vrai état des choses. Lorsqu’il dit : « Accusez son visage, et non pas son esprit »,
il attaque directement et très subtilement Antoine d’abord. Si Cléopâtre est
coupable de quelque chose ce n’est pas en raison de son esprit pervers ou de sa
personnalité inconstante, c’est à cause de sa beauté qui a subjugué Antoine et
l’a rendu faible et mou. C’est la force intérieure et virile d’Antoine qui est
ici mise en doute. Et cela d’autant plus lorsque Cléopâtre entre en scène et
tout d’un coup la personnalité tout entière d’Antoine change. Il se transforme
du fond en comble et ne trouve en elle que la beauté et la bienveillance.
Lucile commente tout bas :
Qu’une femme aisément
le séduit et l’abuse !
Absente, elle est
coupable, et présente, il s’accuse.
[…]
Qu’amour en peu de
temps rend un cœur abattu,
Et que ce puissant
vice affaiblit la vertu !
S’exprimant
en antithèses : absente//présente, vice//vertu, Lucile
creuse la personnalité contradictoire d’Antoine et montre sa propre inconstance
dont il accuse si facilement Cléopâtre. Il est incohérent dans ses propos comme
dans ses pensées. Bien sûr qu’il le sera aussi dans ses actes, puisque il
refuse de combattre César peu de temps après s’être mis d’accord avec Lucile
pour engager une lutte contre lui. Il suffisait d’un mot de la part de
Cléopâtre pour le convaincre. En étant sûr de sa fidélité, il n’a plus ni envie
ni forces de s’engager dans un combat pareil. Mais Lucile lui fait comprendre
très finement et très subtilement à quel point sa présence est vitale :
Est-ce
là le moyen de disputer sa mort ?
Sans
vous, pourrons-nous faire un généreux effort ?
Comment
soutiendrons-nous le coup de la tempête ?
Que
pourra faire un corps qui n’aura point de tête ?
Vous
me pardonnerez, si mon cœur librement
Dans
nos pressants malheurs vous dit son sentiment,
Quoi
voulez-vous encore aux yeux de tout le monde
Être
oisif sur la terre, et fugitive sur l’onde ?
Continuez
l’honneur de vos premiers exploits,
Votre
seul nom jadis fit trembler tant de rois,
Vous
avez attaqué celui qui vous affronte,
Et
vous avez vaincu celui qui cous surmonte ;
Suivez
vos grands desseins, tâchez de résister,
Dans
votre malheur même on vous peut redouter :
Si
madame est l’objet dont votre âme est ravie,
Vous
devez conservez son sceptre, et votre vie,
Vous
voyez que César l’assiège avec ardeur,
Faut-il
que sa beauté ruine sa grandeur ?
Et
lui pouvez-vous dire en votre amour extrême,
Je ne
vous défends point, parce que je vous aime ?
Que
ce cœur où la gloire établit son séjour
Fasse
d’une mollesse un généreux amour :
Une
mort au combat peut borner votre peine
Belle
pour un amant, digne d’un capitaine,
Nous
mourrons à vos pieds devant que le destin
Fasse
de votre vie un glorieux butin,
Et
pour moi je mourrai plus content que tout autre,
Si
mon sang a l’honneur de se mêler au votre.
Dans la présente tirade, Lucile
emploie tous ses moyens pour persuader Antoine d’entrer dans le combat. Si l’on
regarde de plus près, peu de preuves logiques s’y trouvent. Il fait plutôt
appel à son amour, à sa vanité du guerrier, à son amitié. Les mots qu’il
emploie construisent un champ sémantique qui évoque l’amour et la gloire :
généreux, cœur, honneur, exploits, grands
desseins, ardeur, beauté, amour, gloire, combat, glorieux, belle, amant,
content, butin.
En mettant en avant sa loyauté il
essaye de donner l’exemple à Antoine : « Et pour moi je mourrai plus content que tout autre // Si mon sang a l’honneur de se mêler au votre. » Par une succession de questions oratoires au
début de la tirade, il incite le héros à la réflexion :
« Qu’allons-nous faire sans vous ? Vous êtes notre seul
salut. » Il flatte son ego et
utilise une convaincante métonymie, témoignant de son degré d’importance :
« Que pourra faire un corps qui
n’aura point de tête ? » Mais surtout, il fait appel à ses
sentiments envers Cléopâtre, en essayant de rationaliser cet amour qui le rend
incapable de tout autre chose sauf d’aimer. Il lui fait comprendre tout le paradoxe
de son comportement amoureux : « Et
lui pouvez-vous dire en votre amour extrême // Je ne vous défends point, parce que je vous aime ? »
Le discours très bien manié de
Lucile obtient le résultat recherché et Antoine et Cléopâtre consentent à la
guerre contre Octave.
En revanche, lorsque la perte et la
défaite d’Antoine s’avèrent certaines, Lucile relativise, reste sage et réussit
à voir l’ensemble des éléments qui constituent la situation périlleuse dans
laquelle ils se trouvent tous désormais. Octave prend de plus en plus le dessus
et Lucile conseille Antoine :
[…]
Renoncez à la part
d’une grande fortune,
Et que deux portions
se réduisent en une :
Il vous prive d’un
bien que vous devez quitter,
Il vous ôte un
fardeau qu’il ne pourra porter,
Pour vous rendre
innocent il se noircit d’un crime,
Et son ambition vous
décharge et l’opprime :
Qu’il règne seul,
qu’au monde il serve seul d’appui,
Et voyez le gémir
d’un lieu plus bas que lui,
Qu’il soit tout seul
en butte aux coups de la tempête,
Et que le sort pour
deux ne frappe qu’une tête,
Qu’on dise
abandonnant un bien qui vous est dû,
Il a quitté l’Empire,
et ne l’a pas perdu ;
Disposez-en ainsi
cependant qu’il est vôtre,
Dérobez cette gloire
au triomphe d’un autre,
Il n’est rien plus
honteux qu’un sceptre que l’on perd,
Qui le quitte est
plus roi que celui qui s’en sert.
Que peut-on conclure de ce
discours ? Lucile devant la défaite conseille à Antoine de s’élever au
dessus de ses ennemis, de montrer qu’il est au-delà de toute mesquinerie, de
toute bassesse, qu’il est grand. Aux deux derniers vers il évoque à son tour et
à sa manière la différence entre le triomphe et la victoire. Lorsqu’une
victoire a été donnée et non pas gagnée, ce n’est plus une victoire, ce n’est
surtout pas un triomphe : « Qu’on dise,
abandonnant un bien qui vous est dû // Il
a quitté l’Empire, et ne l’a pas perdu. » Et puisque la seule chose
qui le préoccupe est la vie de son ami, il lui conseille de la garder mais
dignement :
Partout où l’on verra
luire votre présence,
Ne possédant plus
rien vivez en assurance,
Tel à qui votre nom
fut jadis en horreur,
Dira plein de
respect, il fut notre empereur,
César sera contraint
de ne vous plus poursuivre,
Ne lui pouvant plus
nuire, il vous laissera vivre.
On remarque qu’une grande partie du
guerrier qu’était Lucile a disparu. Et la vie d’Antoine semble plus importante
que toute autre chose. Ses propos deviennent désespérés et ses quasi-preuves
pathétiques n’ont aucun fondement logique. On voit bien cela au dernier vers. Et
bien qu’en partie il a raison, il n’en reste pas moins vrai que les arguments
qu’il avance n’ont aucun lien avec la réalité. Il est vrai que les empereurs
romains montraient une grande clémence envers les vaincus, mais Antoine, n’est
pas n’importe quel vaincu. Il est empereur lui-même et tant qu’il vit, il
représente un danger pour le trône impérial d’Octave. Mais ce qui est grand et
glorieux dans ce discours est le propos bienveillant de Lucile. A aucun moment,
il n’essaye de rendre Antoine vindicatif et violent, chose qi est en totale
opposition avec les propos d’Agrippe, tenus à César. Là où Lucile encourage
vers la bienveillance et la pardon, Agrippe incite à la guerre et au sang, là
où Lucile essaye d’instaurer la paix voire une neutralité, Agrippe ne conseille
autre chose que la cruauté et l’atrocité. Les propos d’Agrippe destinés à César
sont le miroir inversé de ceux de Lucile :
En de plus hauts
desseins vous n’en pourriez pas faire,
Qui peut autant que
vous n’est jamais téméraire,
Vos plus forts
ennemis en vain ont essayé
De suivre le chemin
que César a frayé,
Ils ont tous éprouvé
dans leur injuste guerre
Qu’il n’appartient qu’à vous de gouverner la
terre,
Et ces ambitieux qui
suivaient vos projets
S’ils n’étaient morts vaincus, ne vivraient que
sujets :
Antoine est le
dernier de qui l’orgueil s’obstine,
Et qui veut subsister
même dans sa ruine,
Mais ce nouveau
succès lui fera confesser
Qu’il vaut mieux n’être point que de vous
offenser,
Son espoir est à bas,
sa dernière déroute
Assure vos desseins
dans leur superbe route.
Agrippe, bien plus que Lucile
s’appuient sur des sentences. C’est la façon dont il argumente. Pour lui, elles
prennent la forme d’axiome et prouvent que tous les moyens sont bons pour
arriver à ses fins.
Qu’un home soit chéri
de la bonne fortune,
Sa faveur la plus
rare, il l’estime commune,
Et qui n’a jamais vu
la mer sans Alcyon,
N’en goûte point le
calme avec affection
[…]
Qui d’un si beau
destin ne serait idolâtre ?
Gagner tout sans rien
perdre, et vaincre sans combattre.
Et aux conseils naïfs de Lucile, on
superpose les délibérations d’Agrippe, virulentes et agressives :
[…]
Antoine
est abattu, mais ce fier ennemi
Puisqu’il respire encore, n’est défait qu’à demi,
C’est
un cerf aux abois qu’un grand coup doit atteindre,
C’est dans son désespoir qu’il est le plus à
craindre,
La fortune relève, et la force, et le cœur,
Et d’un désespéré souvent fait un vainqueur,
Ceux qui sentent du sort la dernière tempête,
Montent par un effort du précipice au faîte,
Et
souvent que le sort favorise leur jeu,
Ils
has ardent beaucoup, et ne gagnent pas peu.
Assurez votre gloire, elle en sera moins belle,
Si de ces feux éteints il reste une étincelle,
Un ennemi, César, nous est toujours fatal,
Quelque faible qu’il soit peut faire du mal,
Antoine est en ce rang, vous le devez détruire,
Ou le mettre en état
de ne vous pouvoir nuire.
Voici l’argumentation que propose
Agrippe, bien construite, bien logique et bien contraire à celle de Lucile. Sans
préciser explicitement, il donne des exemples du passée, fournit des faits
incontestables témoignant du danger qui guette celui qui pardonne trop
facilement et épargne la vie aux vaincus. Il procède par une subtile déduction
et montre les vérités générales : « Puisqu’il respire encor, n’est défait qu’à demi // C’est dans son désespoir qu’il est le plus à
craindre // La fortune relève, et la
force, et le cœur // Et d’un
désespéré souvent fait un vainqueur // Ceux qui sentent du sort la dernière tempête // montent par un
effort du précipice au faîte // Un
ennemi, César, nous est toujours fatal // Quelque faible qu’il soit, il peut faire du mal // Antoine est en ce rang, vous le devez
détruire ». Par une succession d’exemples ressemblant beaucoup à des
axiomes il réussit à faire mouche et César réplique :
J’approuve
ce conseil dont l’exécution
Est
un des plus grands points de ta commission.
Et lorsque César questionne le mérite de sa victoire sur
Antoine :
Mets-tu cette
victoire en un illustre rang ?
Je l’estimerais plus
m’ayant coûté du sang,
Antoine reste seul,
que peut-il entreprendre ?
Je surmonte celui
qu’on ne veut pas defender,
Je n’eusse rien
gagné, s’il n’eût été haï,
Je suis victorieux,
parce qu’il est trahi,
La lâcheté, le vice a
fait que je dispose
D’un fruit de ma
valeur, et du droit de ma cause,
L’on ne me vit jamais
depuis que j’ai vécu,
Devoir une victoire
au Malheur du vaincu,
J’ai regret dans la peine
où nous le voyons vivre
De voir des
serviteurs le quitter pour me suivre,
J’accuse malgré moi
leur défaut d’amitié,
Près d’eux, il m’est
suspect, sans eux, j’en ai pitié,
Dans sa condition je
plains le sort des maîtres,
Ceux qu’il a faits
ingrats, ma vertu les fait traîtres.
où il s’interroge sur la légitimité
de son succès décrivant très bien un vainqueur à qui tout a été servi sur un
plateau, Agrippe trouve les mots pour le rassurer et lui enlever – au moins
temporairement – le doute qui le tourmente :
Ce n’est point
ressentir un courage abattu,
De trahir le péché
pour suivre la vertu :
Devant qu’une
mollesse eut fait leur maître infâme,
Quand il aimait la
gloire, et non pas une femme,
Lors qu’Antoine piqué
d’un désir généreux
Faisait le capitaine,
et non pas l’amoureux,
Sa vaillance eut
rendu leur fuite illégitime,
Le trahir en ce temps
c’eut été faire un crime :
Mais depuis
qu’oubliant ses générosités
Ce grand cœur s’est
perdu dedans les voluptés,
Pas un d’eux n’a
voulu paraître son complice,
Suivre ses pas
honteux c’était suivre le vice,
Quand ils servaient
Antoine il en était loué,
Ils servaient la
vertu dont il était doué :
Depuis l’ayant banni
en l’ardeur qui le presse
Ces dignes serviteurs
ont suivi leurs maîtresses,
Ils ont vu qu’à vous
seul leur service était dû,
Qu’ils retrouvaient
en vous ce qu’Antoine a perdu,
Ils savent que le
ciel ne peut souffrir un traître,
Mais pour ne l’être
plus, ils sont contraints de l’être,
Et n’ont pas cru
commettre une infidélité
Abandonnant celui que
les dieux ont quitté.
Dans un mélange de flatterie et de
sincérité, Agrippe réussit à passer le message. Il utilise l’antithèse à
plusieurs reprises : péché//vertu, vaillance//fuite, mollesse//ardeur … pour flatter l’ego de César et lui montrer de cette
manière à quel point il est supérieur à Antoine. A la sincérité pure de Lucile
s’oppose la flatterie et la dissimulation d’Agrippe. Il retourne complètement
la situation et tout ce qui paraissait ignoble et lâche comme la trahison par
exemple (la trahison des amis d’Antoine est come par magie justifié et mise au
rang des vertus). Il trouve toujours un bon contre-argument. A la fin de son
discours il prend un risque et cite l’autorité la plus grande des toutes,
l’autorité divine, en disant : « Et
n’ont pas cru commettre une infidélité // Abandonnant celui que les dieux ont quitté. » A partir de ce
moment-là aucune résistance n’est plus possible. L’argument est accepté et
indiscutable.
Agrippe, en bon général, ne perd
jamais son sang-froid. Lors de la visite de Cléopâtre à Octave, il reste
insensible à ses charmes, pourtant reconnus. Il encourage César à poursuivre
son but et à ne pas s’en détourner :
Suivez donc le chemin
qu’on voit que vous tenez,
Sans détourner vos
pas, sans voir qui vous mène :
Ayant derrière vous
ce superbe trophée,
Quand elle vous
suivra n’imitez pas Orphée,
Il perdit Eurydice
ayant tourné les yeux,
Et césar pourrait
perdre un bien plus précieux ;
Il fallait toutefois pour mieux sécher ses larmes
Vous feindre habilement esclave de ses charmes.
Et il continue un peu plus loin, parlant de Cléopâtre
qui d’apparence supporte assez bien la mort d’Antoine:
Cette femme est
subtile, et les traits de sa main
Témoignent que son cœur
brasse un mauvais dessein.
[…]
Croyez que le visage en déguise l’esprit,
Il se faut méfier d’un affligé qui rit,
Souvent le désespoir
tâche de se contraindre,
Et le flambeau luit mieux étant prêt de s’éteindre.
Cette prompte
allégresse a la mort pour objet,
Et l’espoir qu’on lui
donne est moins que son projet,
Quoiqu’un
tel changement montre qu’elle ait envie
De
vous plaire, ô César ! Et de chérir sa vie,
Peut-être
qu’elle trame un dessein différent,
Et qu’imitant le cygne, elle chante en mourant.
Ici, le général de César montre une
très grande perspicacité, encore une chose qui le différencie de son antipode
Lucile qui reste très myope par rapports à son ami et par rapport à tous les
autres. Il anticipe l’acte suicidaire de Cléopâtre et prévient César. Malheureusement,
cette fois-ci, il n’est pas écouté bien qu’il enveloppe son discours dans les
maximes et dans les sentences qui font toute sa force.
Et tandis que Lucile offre son sang
et tout son être à Antoine avant la mort de celui-ci, Agrippe a recours à la
flatterie et à l’adulation envers Octave. A la fin de la pièce, avec César
vainqueur et vaincu, il dit :
Souffrez cet
accident, votre honneur ne peut que croître,
Vos ennemis sont
morts, vous demeurez le maître,
Nous verrons dans vos
mains l’empire florissant,
Le ciel s’étonnera de
vous voir si puissant,
Et de voir élevé si
haut l’aigle de Rome,
Quoiqu’il ne soit posé
que sur le front d’un homme.
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